Le sourire d'Ornait l'irlandais
Il avait un charme fou, Ornait, l’irlandais. Il avait de l’humour, et des fossettes qui vont avec. Il parlait de football, pour faire la fête, pour se détacher des sujets sérieux. Mais en fait, il avait peur. Le football, c’était sa seule attache. C’est pour cela, à deux reprises dans la soirée, l’une après une discussion sur la religion, et l’autre après une discussion sur la politique, il a trinqué au football. Il a ses idées, il est convaincu et il les aime. Mais il avait peur que ses amis ne trinquent pas pour ses idées, ou qu’ils le fassent de mauvais gré. Il ne pouvait pas dire « to protestantisme » ou bien « to socialism ». Il ne pouvait que dire « to football », et sourire, et rayonner avec ses fossettes.
Ornait était avec sa copine, et moi j étais avec Ayman, mon compagnon de voyage, mais dès qu’il a souri, j’ai voulu Ornait. J’ai voulu le prendre dans mes bras et lui dire, tu peux être différent, et tu peux aimer le football. J’aimerai que mon grain de femme libre prenne le dessus, et que je puisse un jour, faire l’amour avec Meike, arracher Ornait des bras de sa copine, envoyer balader Ayman, faire le tour de l’Amérique du sud en solo, montrer mes seins à la place de la Victoire, et être méprisée par Oussama, mais être libre. Non pas de la pression des étrangers, de la société, parce qu’en fin de compte, ils s’en foutent, mais de celle des amis, ceux qui prétendent aimer, et étouffent dans le processus.
Je veux avoir mon idée de livre. En fait, j’ai plusieurs idées de livres, mais il faut que je m’arrête sur une idée, en faire une œuvre d’art. Une œuvre magnifique, non pas comme un château médiéval bâti du haut d’une colline fleurie, mais une œuvre tordue, blessante, qui fasse mal à mes amis, à mes parents, à Oussama, mais qui dégage le poids de ma poitrine. Elle est assez lourde par la chair.